La réécriture de livres, ou d’œuvres au sens plus larges, a très longtemps pris la forme de parodies et de pastiches. On peut y ajouter les adaptations diverses, les citations ou pour le côté moins légal, le plagiat pur et simple. Si on laisse de côté ce dernier, les réécritures ont toujours donné naissance à de nouvelles œuvres, s’inscrivant chacune dans leur contexte et clairement séparées de l‘œuvre originale. Elles apportaient un style ou un point de vue différent, une nouveauté, sans, évidemment, dénaturer la création première.
Une autre forme de réécriture courante est celle faite par l’auteur lui-même. Des simples corrections de fautes et styles particuliers, à la réécriture de passages entiers. L’auteur reste le maître de son œuvre et décide seul des corrections et ajouts à y apporter. Une procédure parfaitement normale. Il arrive également que l’éditeur demande de telles corrections, avant publication, mais là encore, le tout est fait après échanges avec l’auteur.
Tout allait donc au mieux dans le meilleur des mondes possibles, jusqu’à voir arriver une nouvelle forme de réécriture. S’attaquant aux livres publiés, dont l’auteur, bien souvent, est décédé, pour y ajouter la patte des nouvelles idées d’un siècle. Le tout mené par des éditeurs et les ayants-droits de l’auteur. La question se pose alors : De quel droit des personnes s’autorisent à dénaturer une œuvre originale, plutôt que d’en créer une nouvelle ? Les parodies, pastiches et adaptions en tous genres ne se permettent pas de briser une œuvre. Pourquoi des personnes n’étant pas à l’origine de l’œuvre pourraient-elles la modifier sans accord de l’auteur ? Encore plus si ce dernier, pour des raisons évidentes, ne peut en parler et n’a laissé aucune autorisation dans son testament ?
Le tout accompagné d’un argument fallacieux, cette réécriture va permettre au livre de continuer à plaire à un large public. Alors que le livre en question, souvent déjà un classique, n’a jamais eu besoin de ça pour être apprécié.

Un problème déjà ancien
Ce problème ne date pas d’hier et a touché d’autres domaines avant la littérature. Il se résume en : « Je ne supporte pas que l’Histoire ne me plaise pas et me dérange, je dois donc l’effacer ou la modifier pour qu’elle corresponde à mes valeurs actuelles ! »
Passons sur l’incroyable stupidité abyssale de cette mentalité, afin de ne pas perdre trop vite Foi en une partie de l’Humanité, pour venir directement aux conséquences. Il existe donc des personnes qui pleurent des larmes de sang car dans le passé, des personnes ne pensaient pas de la même façon qu’au 21ème siècle et n’avaient pas les mêmes valeurs, ainsi que les mêmes façons de vivre. Un esprit normal répondrait « Oui, et alors ? ». Un esprit à vif, qui a trop de temps libre, va s’en insurger et hurler à la mort que c’est intolérable. La solution ? Effacez-moi tout ça ! Changez, éditez, oubliez, réécrivez, mes pauvres petits yeux ne supportent plus que des gens ne pensent pas comme moi.
On en arrive à un point où des mots communs et utilisés depuis toujours, des mots qui, pourtant, ne sont ni des insultes, ni des agressions, se retrouvent effacés et pointés du doigt. Des mots comme femme, gros, petit… Des mots effacés de classiques, pour ne pas heurter le public. Sur des livres connaissant le succès depuis des décennies, déjà ! Comment ont-ils pu autant se vendre auparavant s’ils étaient si choquants ? Le public est-il devenu plus fragile ? Ou veut-on nous faire croire qu’il est devenu plus fragile, afin d’enfoncer des idéologies dans le crâne ?
Il est très bien de lutter contre les discriminations. Le combat est nécessaire. Sauf lorsqu’il va si loin qu’il en tombe dans l’absurde.

Les droits d’auteur
Les droits légaux attribués aux descendants directs de l’auteur et à l’éditeur sont une chose, les droits moraux en sont une autre. L’auteur, une fois mort, ne peut plus empêcher légalement qu’on touche ainsi à son œuvre, à moins d’avoir mené de son vivant des procédures juridiques longues et compliquées. Où une seule erreur peut permettre, par la suite, de s’asseoir sur toutes ses volontés avec un cynisme décomplexé. C’est si pratique. On peut donc, aujourd’hui, se permettre allègrement de truander un livre et le déformer selon sa propre idéologie, au mépris total de l’intention désirée par le créateur. Aucune légitimité à le faire, hormis les règles obscures de droit ? Mais qui s’en soucie ? Les désirs de l’auteur de son vivant ? On s’en tamponne, voyons ! Le respect d’un livre ? Seuls les lecteurs l’ayant aimé vont s’en soucier et leur avis ne compte évidemment pas.
Il ne manquerait plus que ça, tiens, faire preuve d’un minimum de respect, de tolérance et de décence, face aux opinions des autres, surtout lorsqu’elles sont différentes.
Contrairement à ce que certains esprits chagrins désirent ardemment, non, une œuvre ne peut être dépossédée de son créateur. Peu importe à quel point les opinions de l’auteur vous déplaise, vous ne pouvez pas décider arbitrairement que ses livres ne lui appartiennent plus. Vous savez pourquoi ? Car tout créateur met une part de lui dans ce qu’il produit. Vous aurez beau hurler, pleurer, tout mettre en œuvre pour tordre la réalité comme ça vous arrange, harceler, piquer des crises et des caprices comme des gamins, cette réalité est immuable. Tous vos efforts pour effacer une personne et vous approprier son œuvre n’enlèveront jamais le fait que vous êtes incapables de reproduire ce qu’elle a réalisé.
Tout cela car vous n’êtes pas des fans de l’œuvre. Vous n’êtes pas de ceux qui apprécient la lire et en faire de nouvelles adaptations. Vous êtes des idéologues qui ne supportent aucune contradiction et à ce titre, vous ne méritez pas le respect. Vous n’êtes pas dans le débat mais le combat. Vous prônez la tolérance alors que vous ne cessez d’écraser toute opinion différente au nom de votre dogme.

Les réseaux
La différence majeure, avec les années précédentes, est que les communautés les plus toxiques peuvent en passer par les réseaux sociaux pour toucher plus de monde. Et aussi harceler en masse, car après tout, pourquoi se priver ? C’est tellement plus facile d’appeler à la haine que d’utiliser son cerveau. C’est aussi tellement plus simple de s’indigner sur tout avant de réfléchir, ça nous fait gagner des points de vertu facilement.
Et pourtant, ces communautés toxiques sont une minorité. Une minorité bruyante, c’est vrai. Elle hurle très fort car elle ne sait pas s’exprimer d’une autre manière. Une fois de plus, les sentiments vis à vis d’elle sont partagées. L’ignorer ? C’est meilleur pour la santé mentale et la patience. Lui donner de l’aide pour sortir de son cycle auto-destructeur de haine ? Ce serait l’idéal, mais vite épuisant. Lui répondre sur les réseaux ? Complètement inutile. En avoir pitié ? C’est le cas depuis longtemps et ça ne va pas en s’arrangeant…
On ne peut pas faire disparaître les personnes toxiques et haineuses de la planète, c’est Humain, c’est comme ça. En revanche, il y a un fort espoir. Ces toxiques peuvent se battre, réécrire tout ce qu’ils veulent, ils ne peuvent pas effacer l’attachement à une œuvre originale.

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